Page:Fontenelle - Œuvres de Fontenelle, Tome III, 1825.djvu/376

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pouvaient avoir foi aux oracles, s’ils voulaient, mais l’État n’y en avait point. C’étaient les sibylles et les entrailles des animaux qui gouvernaient, et une infinité de dieux tombèrent dans le mépris, lorsqu’on vit que les maîtres de la terre ne daignaient pas les consulter.

CHAPITRE VI

Seconde cause particulière de la décadence des oracles.

Il y a ici une difficulté que je ne dissimulerai pas. Dès le temps de Pyrrhus, Apollon était réduit à la prose, c’est-à-dire que les oracles commençaient à déchoir ; et cependant les Romains ne furent maîtres de la Grèce que longtemps après Pyrrhus ; et depuis Pyrrhus jusqu’à l’établissement de la domination romaine dans la Grèce, il y eut en tout ce pays-là autant de guerres et de mouvements que jamais, et autant de sujets importants d’aller à Delphes.

Cela est très vrai. Mais aussi du temps d’Alexandre, et un peu avant Pyrrhus, il se forma dans la Grèce de grandes sectes de philosophes qui se moquaient des oracles, les cyniques, les péripatéticiens, les épicuriens. Les épicuriens surtout ne faisaient que plaisanter des méchants vers qui venaient de Delphes, car les prêtres les faisaient comme ils pouvaient ; souvent même péchaient-ils contre les règles de la mesure, et ces philosophes railleurs trouvaient fort mauvais qu’Apollon, le dieu de la poésie, fût infiniment au-dessous d’Homère, qui n’avait été qu’un simple mortel inspiré par Apollon même.

On avait beau leur répondre que la méchanceté