Page:Fontenelle - Œuvres de Fontenelle, Tome III, 1825.djvu/380

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Tout cela s’était pratiqué dans les plus épaisses ténèbres du paganisme, et dans un temps où les cérémonies païennes n’étaient pas sujettes à être contredites ; mais à la vue des chrétiens, le Saturne d’Alexandrie ne laissait pas de faire venir les nuits dans son temple telle femme qu’il lui plaisait de nommer par la bouche de Tyrannus, son prêtre. Beaucoup de femmes avaient reçu cet honneur avec grand respect, et on ne se plaignait point de Saturne, quoiqu’il soit le plus âgé et le moins galant des dieux. Il s’en trouva une à la fin qui, ayant couché dans le temple, fit réflexion qu’il ne s’y était rien passé que de fort humain, et dont Tyrannus n’eût été assez capable. Elle en avertit son mari, qui fit faire le procès à Tyrannus. Le malheureux avoua tout, et Dieu sait quel scandale dans Alexandrie !

Les crimes des prêtres, leur insolence, divers événements qui avaient fait paraître au jour leurs fourberies, l’obscurité, l’incertitude et la fausseté de leurs réponses, auraient donc encore décrédité les oracles et en auraient causé la ruine entière, quand même le paganisme n’aurait pas dû finir.

Mais il s’est joint à cela des causes étrangères : d’abord de grandes sectes de philosophes grecs qui se sont moqués des oracles, ensuite les Romains qui n’en faisaient point d’usage ; enfin les chrétiens qui les détestaient, et qui les ont abolis avec le paganisme.

[1] Si l’empereur ne veut pas qu’on l’appelle pontife, c’est Maximus qui deviendra bientôt pontife.