Page:Fontenelle - Œuvres de Fontenelle, Tome III, 1825.djvu/433

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

morts depuis peu, une nouvelle qui m’afflige beaucoup. Vous saurez que Galilée, qui était mon mathématicien, avait découvert de certaines planètes qui tournent autour de Jupiter, auxquelles il donna en mon honneur le nom d’astres de Médicis. Mais on m’a dit qu’on ne les connaît presque plus sous ce nom là, et qu’on les appelle simplement satellites de Jupiter. Il faut que le monde soit présentement bien méchant et bien envieux de la gloire d’autrui.

BÉRÉNICE.

Sans doute, je n’ai guère vu d’effets plus remarquables de sa malignité.

COSME DE MÉDICIS.

Vous en parlez bien à votre aise, après le bonheur que vous avez eu. Vous aviez fait vœu de couper vos cheveux, si votre mari Ptolomée revenait vainqueur de je ne sais quelle guerre. Il revint, ayant défait ses ennemis ; vous consacrâtes vos cheveux dans un temple de Vénus, et le lendemain, un mathématicien les fit disparaître, et publia qu’ils avaient été changés en une constellation, qu’il appela la chevelure de Bérénice. Faire passer des étoiles pour des cheveux d’une femme, c’était bien pis que de donner le nom d’un prince à de nouvelles planètes. Cependant votre chevelure a réussi, et ces pauvres astres de Médicis n’ont pu avoir la même fortune.

BÉRÉNICE.

Si je pouvais vous donner ma chevelure céleste, je vous la donnerais pour vous consoler, et même je serais assez généreuse pour ne prétendre pas que vous me fussiez fort obligé de ce présent-là.