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Page:Fontenelle - Œuvres de Fontenelle, Tome IV, 1825.djvu/21

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un voyage à Délos : là, je contemplai avec surprise la magnificence des temples d’Apollon, et la beauté de ses statues. Il était partout en marbre ou en or, et de la main des meilleurs ouvriers de la Grèce ; mais quand je vins à une Latone de bois, qui était très mal faite, et qui avait tout l’air d’une vieille, je m’éclatai de rire, par la comparaison des statues du fils à celle de la mère. Je ne puis vous exprimer assez combien je fus étonné, content, charmé d’avoir ri. J’entendis alors le vrai sens de l’oracle. Je ne présentai point d’offrandes à tous ces Apollons d’or ou de marbre ; la Latone de bois eut tous mes dons et tous mes vœux. Je lui fis je ne sais combien de sacrifices, je l’enfumai toute d’encens, et j’eusse élevé un temple à Latone qui fait rire, si j’eusse été en état d’en faire la dépense.

THÉOCRITE.

Il me semble qu’Apollon pouvait vous rendre la faculté de rire, sans que ce fût aux dépens de sa mère : vous n’auriez vu que trop d’objets qui étaient propres à faire le même effet que Latone.

PARMÉNISQUE.

Quand on est de mauvaise humeur, on trouve que les hommes ne valent pas la peine qu’on en rie ; ils sont faits pour être ridicules, et ils le sont, cela n’est pas étonnant ; mais une déesse, qui se met à l’être, l’est bien davantage. D’ailleurs, Apollon voulait apparemment me faire voir que mon sérieux était un mal qui ne pouvait être guéri par tous les remèdes humains, et que j’étais réduit dans un état où j’avais besoin du secours même des dieux.

THÉOCRITE.

Cette joie et cette gaieté que vous enviez, est encore