Page:Fontenelle - Œuvres de Fontenelle, Tome IV, 1825.djvu/237

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glaciales ne sont pas propres pour les sciences. Jusqu’à présent elles n’ont point passé l’Égypte et la Mauritanie d’un coté, et de l’autre la Suède; peut-être n’a-ce pas été par hasard qu’elles se sont tenues entre le mont Atlas et la mer Baltique; je ne sais si ce ne sont point là des bornes que la nature leur a postes, et si l’on ne doit pas désespérer de voir jamais de grands auteurs lapons ou nègres.

Quoi qu’il en soit, voilà, ce me semble, la grande question des anciens et des modernes vidée. Les siècles ne mettent aucune différence naturelle entre les hommes, le climat de la Grèce ou de l’Italie, et celui de la France, sont trop voisins pour mettre quelque différence sensible entre les Grecs ou les Latins et nous; et quand ils y en mettraient quelqu’une, elle serait fort aisée à effacer. Nous voilà donc tous parfaitement égaux, anciens et modernes, Grecs, Latins et Français.

Je ne réponds pas tout à fait que ce raisonnement paraisse à tout le monde aussi convaincant qu’il me le parait. Si j’eusse employé de grands tours d’éloquence, opposé des traits d’histoire honorables pour les modernes à d’autres traits d’histoire honorables pour les anciens, et des passages favorables aux uns à des passages favorables aux autres, si j’eusse traité de savants entêtés ceux qui nous traitent d’ignorants et d’esprits superficiels, et que selon les lois établies entre les gens de lettres, j’eusse rendu exactement injure pour injure aux partisans de l’antiquité, peut-être aurait-on mieux goûté mes preuves; mais il m’a paru que prendre l’affaire de cette manière-là, c’était pour ne finir jamais, et qu’après beaucoup de belles