Page:Fontenelle - Œuvres de Fontenelle, Tome IV, 1825.djvu/26

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ment du même caractère : on doit convenir aussi que les hommes sont trop jaloux de leur domination ; ils l’exercent dans le mariage ; c’est déjà un grand article ; mais ils voudraient même l’exercer en amour. Quand ils demandent qu’une maîtresse leur soit fidèle, fidèle veut dire soumise. L’empire devrait être également partagé entre l’amant et la maîtresse ; cependant il passe toujours de l’un ou de l’autre côté, et presque toujours du côté de l’amant.

BRUTUS.

Vous voilà étrangement révoltée contre tous les hommes !

FAUSTINE.

Je suis Romaine, et j’ai des sentimens romains sur la liberté.

BRUTUS.

Je vous assure qu’à ce compte là tout l’univers est plein de Romaines : mais avouez que les Romains tels que moi sont un peu plus rares.

FAUSTINE.

Tant mieux qu’ils soient si rares. Je ne crois pas qu’un honnête homme voulût faire ce que vous avez fait, et assassiner son bienfaiteur.

BRUTUS.

Je ne crois pas non plus qu’il y eût d’honnêtes femmes qui voulussent imiter votre conduite : pour la mienne, vous ne sauriez disconvenir qu’elle n’ait été assez ferme. Il a fallu bien du courage pour n’être pas touché par l’amitié que César avait pour moi.

FAUSTINE.

Croyez-vous qu’il ait fallu moins de courage pour