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DIALOGUE VI.

BRUTUS, FAUSTINE.


BRUTUS.

Quoi ! se peut-il que vous ayez pris plaisir à faire mille infidélités à l’empereur Marc-Aurèle, à un mari qui avait toutes les complaisances imaginables pour vous, et qui était sans contredit le meilleur homme de tout l’empire romain ?

FAUSTINE.

Et se peut-il que vous ayez assassiné Jules César, qui était un empereur si doux et si modéré ?

BRUTUS.

Je voulais épouvanter tous les usurpateurs par l’exemple de César, que sa douceur et sa modération n’avaient pu mettre en sûreté.

FAUSTINE.

Et si je vous disais que je voulais effrayer tellement tous les maris, que personne n’osât songer à l’être après l’exemple de Marc-Aurèle, dont la bonté avait été si mal payée ?

BRUTUS.

C’était là un beau dessein ! Il faut qu’il y ait des maris ; car qui gouvernerait les femmes ? mais Rome n’avait point besoin d’être gouvernée par César.

FAUSTINE.

Qui vous l’a dit ? Rome commençait à avoir des fantaisies aussi déréglées, et des humeurs aussi étranges que celles qu’on attribue à la plupart des femmes ; elle ne pouvait plus se passer de maître, mais elle ne se plaisait pourtant pas à en avoir un. Les femmes sont juste-