Page:Fontenelle - Œuvres de Fontenelle, Tome IV, 1825.djvu/46

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mon Socrate, lorsqu’il va parler d’amour ; je me couvrirais le visage, et vous ne m’entendriez qu’au travers d’un voile : mais ici ces façons-là ne sont pas nécessaires, Voici mes vers :

   Lorsqu’Agathis, par un baiser de flamme,
Consent à me payer des maux que j’ai sentis,
Sur mes lèvres soudain je sens venir mon âme,
   Qui veut passer sur celles d’Agathis.

MARGUERITE D’ÉCOSSE.

Est-ce Platon que j’entends ?

PLATON.

Lui-même.

MARGUERITE D’ÉCOSSE.

Quoi ! Platon, avec ses épaules carrées, sa figure sérieuse, et toute la philosophie qu’il avait dans la tête, Platon a connu cette espèce de baiser ?

PLATON.

Oui.

MARGUERITE D’ÉCOSSE.

Mais songez-vous bien que le baiser que je donnai à mon savant, fut tout-à-fait philosophique, et que celui que vous donnâtes à votre maîtresse ne le fut point du tout ; que je fis votre personnage, et que vous fîtes le mien ?

PLATON.

J’en tombe d’accord ; les philosophes sont galans, tandis que ceux qui seraient nés pour être galans, s’amusent à être philosophes. Nous laissons courir après les chimères de la philosophie les gens qui ne les connaissent pas, et nous nous rabattons sur ce qu’il y a de réel.