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MARGUERITE D’ÉCOSSE.

Je vois que je m’étais très mal adressée a l’amant d’Agathis, pour la défense de mon baiser. Si j’avais eu de l’amour pour ce savant si laid, je trouverais encore bien moins mon compte avec vous. Cependant l’esprit peut causer des passions par lui-même, et bien en prend aux femmes : elles se sauvent de ce côté là, si elles ne sont pas belles.

PLATON.

Je ne sais si l’esprit cause des passions ; mais je sais bien qu’il met le corps en état d’en faire naître sans le secours de la beauté, et lui donne l’agrément qui lui manquait : et ce qui en est une preuve, c’est qu’il faut que le corps soit de la partie, et fournisse toujours quelque chose du sien, c’est-à-dire, tout au moins de la jeunesse ; car s’il ne s’aide point du tout, l’esprit lui est absolument inutile.

MARGUERITE D’ÉCOSSE.

Toujours de la matière dans l’amour !

PLATON.

Telle est sa nature. Donnez-lui, si vous voulez, l’esprit seul pour objet, vous n’y gagnerez rien ; vous serez étonnée qu’il rentrera aussitôt dans la matière. Si vous n’aimiez que l’esprit de votre savant, pourquoi le baisâtes-vous ? C’est que le corps est destiné à recueillir le profit des passions que l’esprit même aurait inspirées.


DIALOGUE V.

STRATON, RAPHAËL D’URBIN.

STRATON.

Je ne m’attendais pas que le conseil que je donnai à