Page:Fontenelle - Œuvres de Fontenelle, Tome IV, 1825.djvu/48

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mon esclave dût produire des effets si heureux. Il me valut là-haut la vie et la royauté tout ensemble ; et ici, il m’attire l’admiration de tous les sages.

RAPHAËL D’URBIN.

Et quel est ce conseil ?

STRATON.

J’étais à Tyr. Tous les esclaves de cette ville se révoltèrent, et égorgèrent leurs maîtres ; mais un esclave que j’avais, eut assez d’humanité pour épargner ma vie, et pour me dérober à la fureur de tous les autres. Ils convinrent de choisir pour roi celui d’entre eux, qui, à un certain jour, apercevrait le premier le lever du soleil. Ils s’assemblèrent dans une campagne. Toute cette multitude avait les yeux attachés sur la partie orientale du ciel, d’où le soleil devait sortir : mon esclave seul, que j’avais instruit de ce qu’il avait à faire, regardait vers l’occident. Vous ne doutez pas que les autres ne le traitassent de fou. Cependant, en leur tournant le dos, il vit les premiers rayons du soleil qui paraissaient sur le haut d’une tour fort élevée, et ses compagnons en étaient encore à chercher vers l’orient le corps même du soleil. On admira la subtilité d’esprit qu’il avait eue ; mais il avoua qu’il me la devait, et que je vivais encore, et aussitôt je fus élu roi comme un homme divin.

RAPHAËL D’URBIN.

Je vois bien que le conseil que vous donnâtes à votre esclave vous fut fort utile ; mais je ne vois pas ce qu’il avait d’admirable.

STRATON.

Ah ! tous les philosophes qui sont ici vous répondront pour moi, que j’appris à mon esclave ce que tous