Page:Fontenelle - Œuvres de Fontenelle, Tome IV, 1825.djvu/80

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FERNAND CORTEZ.

Qui vous en a tant appris sur le chapitre des Athéniens ?

MONTÉZUME.

Depuis que je suis ici, je me suis mis à étudier l’histoire par les conversations que j’ai eues avec différens morts. Mais enfin, vous conviendrez que les Athéniens étaient un peu plus dupes que nous. Nous n’avions jamais vu de navires ni de canons : mais ils avaient vu des femmes ; et quand Pisistrate entreprit de les réduire sous son obéissance par le moyen de sa déesse, il leur marqua assurément moins d’estime, que vous ne nous en marquâtes en nous subjuguant avec votre artillerie.

FERNAND CORTEZ.

Il n’y a point de peuple qui ne puisse donner une fois dans un panneau grossier. On est surpris ; la multitude entraîne les gens de bon sens. Que vous dirai-je ? Il se joint encore à cela des circonstances qu’on ne peut pas deviner, et qu’on ne remarquerait peut-être pas, quand on les verrait.

MONTÉZUME.

Mais a-ce été par surprise que les Grecs ont cru dans tous les temps, que la science de l’avenir était contenue dans un trou souterrain, d’où elle sortait en exhalaisons ? Et par quel artifice leur avait-on persuadé, que quand la lune était éclipsée, ils pouvaient la faire revenir de son évanouissement par un bruit effroyable ? Et pourquoi n’y avait-il qu’un petit nombre de gens qui osassent se dire à l’oreille, qu’elle était obscurcie par l’ombre de la terre ? Je ne dis rien des Romains, et de ces dieux qu’ils priaient à manger dans leurs