Page:Fontenelle - Entretiens sur la pluralité des mondes, Leroy, 1820.djvu/114

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

et s’ils sont exempts d’une erreur, ils donneront dans quelque autre ; mais comme je ne me pique pas de la pouvoir deviner, éclaircissez-moi, je vous prie, une autre difficulté qui m’occupe depuis quelques moments. Si la Terre est si petite à l’égard de Jupiter, Jupiter nous voit-il ? Je crains que nous ne lui soyons inconnus.

De bonne foi, je crois que cela est ainsi, répondis-je. Il faudroit qu’il vît la Terre cent fois plus petite que nous ne le voyons. C’est trop peu, il ne la voit point. Voici seulement ce que nous pouvons croire de meilleur pour nous. Il y aura dans Jupiter des astronomes qui, après avoir bien pris de la peine à composer des lunettes excellentes, après avoir choisi les plus belles nuits pour observer, auront enfin découvert dans les cieux une très petite planète qu’ils n’avoient jamais vue. D’abord le Journal des Savants de ce pays-là en parle ; le peuple de Jupiter, ou n’en entend point parler, ou n’en fait que rire ; les philosophes, dont cela détruit les opinions, forment le dessein de n’en rien croire ; il n’y a que les gens très raisonnables qui en veulent bien douter. On observe encore, on revoit la petite planète ; on s’assure bien que ce n’est point une vision ; on commence même à soupçonner qu’elle a un mouvement autour du Soleil ; on trouve, au bout de mille observations, que ce mouvement est d’une