Page:Fontenelle - Entretiens sur la pluralité des mondes, Leroy, 1820.djvu/122

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Du moins, reprit la Marquise, une commodité fort réelle qu’a notre monde par sa situation, c’est qu’il n’est ni si chaud que celui de Mercure ou de Vénus, ni si froid que celui de Jupiter ou de Saturne. De plus, nous sommes justement dans un endroit de la Terre où nous ne sentons l’excès ni du chaud ni du froid. En vérité si un certain philosophe rendoit grâce à la nature d’être homme et non pas bête, Grec et non pas Barbare, moi je veux lui rendre grâce d’être sur la planète la plus tempérée de l’univers, et dans un des lieux les plus tempérés de cette planète. Si vous m’en croyez, Madame, répondis-je, vous lui rendrez grâce d’être jeune et non pas vieille ; jeune et belle, et non pas jeune et laide ; jeune et belle Française, et non pas jeune et belle Italienne. Voilà bien d’autres sujets de reconnoissance que ceux que vous tirez de la situation de votre tourbillon, ou de la température de votre pays.

Mon Dieu ! répliqua-t-elle, laissez-moi avoir de la reconnoissance sur tout, jusque sur le tourbillon où je suis placée. La mesure de bonheur qui nous a été donnée est assez petite, il n’en faut rien perdre, et il est bon d’avoir pour les choses les plus communes et les moins considérables un goût qui les mette à profit. Si on ne vouloit que des plaisirs