Page:Fontenelle - Entretiens sur la pluralité des mondes, Leroy, 1820.djvu/151

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prairies, la raison vient trop tard, le premier coup d’œil a fait son effet sur nous avant elle, nous ne la voulons plus écouter, les planètes ne sont que des corps lumineux ; et puis comment seroient faits leurs habitants ? Il faudroit que notre imagination nous représentât aussitôt leurs figures, elle ne le peut pas ; c’est le plus court de croire qu’ils ne sont point. Voudriez-vous que pour établir les habitants des planètes, dont les intérêts me touchent d’assez loin, j’allasse attaquer ces redoutables puissances qu’on appelle les sens et l’imagination ? Il faudroit bien du courage pour cette entreprise ; on ne persuade pas facilement aux hommes de mettre leur raison en la place de leurs yeux. Je vois quelquefois bien des gens assez raisonnables pour vouloir bien croire, après mille preuves, que les planètes sont des Terres ; mais ils ne le croient pas de la même façon qu’ils le croiroient s’ils ne les avoient pas vues sous une apparence différente, il leur souvient toujours de la première idée qu’ils en ont prise, et ils n’en reviennent pas bien. Ce sont ces gens-là qui, en croyant notre opinion, semblent cependant lui faire grâce, et ne la favoriser qu’à cause d’un certain plaisir que leur fait sa singularité.

Eh quoi, interrompit-elle, n’en est-ce