Page:Fontenelle - Entretiens sur la pluralité des mondes, Leroy, 1820.djvu/16

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avec tout ce vert qui paraissoit noir. Il n’y avoit pas un nuage qui dérobât ou qui obscurcît la moindre étoile, elles étoient toutes d’un or pur et éclatant, et qui étoit encore relevé par le fond bleu où elles sont attachées. Ce spectacle me fit rêver ; et peut-être sans la Marquise eussé-je rêvé assez longtemps ; mais la présence d’une si aimable Dame ne me permit pas de m’abandonner à la Lune et aux étoiles. Ne trouvez-vous pas, lui dis-je, que le jour même n’est pas si beau qu’une belle nuit ? Oui, me répondit-elle, la beauté du jour est comme une beauté blonde qui a plus de brillant ; mais la beauté de la nuit est une beauté brune qui est plus touchante. Vous êtes bien généreuse, repris-je, de donner cet avantage aux brunes, vous qui ne l’êtes pas. Il est pourtant vrai que le jour est ce qu’il y a de plus beau dans la nature, et que les héroïnes de Roman, qui sont ce qu’il y a de plus beau dans l’imagination, sont presque toujours blondes. Ce n’est rien que la beauté, répliqua-t-elle, si elle ne touche. Avouez que le jour ne vous eût jamais jeté dans une rêverie aussi douce que celle où je vous ai vu près de tomber tout-à-l’heure à la vue de cette belle nuit. J’en conviens, répondis-je ; mais en récompense, une blonde comme vous me feroit encore mieux rêver que la plus belle nuit du monde,