Page:Fontenelle - Entretiens sur la pluralité des mondes, Leroy, 1820.djvu/18

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volontiers du soleil qui nous les efface. Ah ! m’écriai-je, je ne puis lui pardonner de me faire perdre de vue tous ces mondes. Qu’appelez-vous tous ces mondes ? me dit-elle, en me regardant, et en se tournant vers moi. Je vous demande pardon, répondis-je. Vous m’avez mis sur ma folie, et aussitôt mon imagination s’est échappée. Quelle est donc cette folie ? reprit-elle. Hélas ! répliquai-je, je suis bien fâché qu’il faille vous l’avouer, je me suis mis dans la tête que chaque étoile pourroit bien être un monde. Je ne jurerois pourtant pas que cela fût vrai, mais je le tiens pour vrai, parce qu’il me fait plaisir à croire. C’est une idée qui me plaît, et qui s’est placée dans mon esprit d’une manière riante. Selon moi, il n’y a pas jusqu’aux vérités auxquelles l’agrément ne soit nécessaire. Hé bien, reprit-elle, puisque votre folie est si agréable, donnez-la moi, je croirai sur les étoiles tout ce que vous voudrez, pourvu que j’y trouve du plaisir. Ah ! Madame, répondis-je bien vîte, ce n’est pas un plaisir comme celui que vous auriez à une comédie de Molière ; c’en est un qui est je ne sais où dans la raison, et qui ne fait rire que l’esprit. Quoi donc, reprit-elle, croyez-vous qu’on soit incapable des plaisirs qui ne sont que dans la raison ? Je veux tout à l’heure vous faire voir le contraire, apprenez-moi vos étoiles. Non,