Page:Fontenelle - Entretiens sur la pluralité des mondes, Leroy, 1820.djvu/19

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répliquai-je, il ne me sera point reproché que dans un bois, à dix heures du soir, j’aie parlé de philosophie à la plus aimable personne que je connoisse. Cherchez ailleurs vos philosophes.

J’eus beau me défendre encore quelque temps sur ce ton-là, il fallut céder. Je lui fis du moins promettre pour mon honneur, qu’elle me garderoit le secret, et quand je fus hors d’état de m’en pouvoir dédire, et que je voulus parler, je vis que je ne savois pas où commencer mon discours : car avec une personne comme elle, qui ne savoit rien en matière de physique, il falloit prendre les choses de bien loin, pour lui prouver que la Terre pouvoit être une planète, et les planètes autant de terres, et toutes les étoiles autant de soleils qui éclairoient des mondes.J’en revenois toujours à lui dire qu’il auroit mieux valu s’entre tenir de bagatelles, comme toute personne raisonnable auroient fait en notre place. À la fin cependant, pour lui donner une idée générale de la philosophie, voici par où je commençai.

Toute la philosophie, lui dis-je, n’est fondée que sur deux choses, sur ce qu’on a l’esprit curieux et les yeux mauvais ; car si vous aviez les yeux meilleurs, que vous ne les avez, vous verriez bien si les étoiles sont des soleils qui éclairent autant de mondes, ou si elles n’en sont