Page:Fontenelle - Entretiens sur la pluralité des mondes, Leroy, 1820.djvu/38

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le gros vaisseau. Mais m’assurez-vous bien qu’il n’y ait rien à craindre sur une pirouette aussi légère que vous me faites la Terre ? Eh bien, lui répondis je, faisons porter la terre par quatre éléphans, comme font les Indiens. Voici bien un autre système, s’écria-t-elle. Du moins j’aime ces gens-là d’avoir pourvu à leur sûreté, et fait de bons fondemens, au lieu que nous autres Coperniciens, nous sommes assez inconsidérés pour vouloir bien nager à l’aventure dans cette matière céleste. Je gage que si les Indiens savoient que la Terre fût le moins du monde en péril de se mouvoir, ils doubleroient les éléphants.

Cela le mériteroit bien, repris-je, en riant de sa pensée, il ne faut point s’épargner les éléphans pour dormir en assurance, et si vous en avez besoin pour cette nuit, nous en mettrons dans notre système autant qu’il vous plaira, ensuite nous les retrancherons peu à peu, à mesure que vous vous rassurerez. Sérieusement, reprit-elle, je ne crois pas dès à présent qu’ils me soient fort nécessaires, et je me sens assez de courage pour oser tourner. Vous irez encore plus loin, répliquai-je, vous tournerez avec plaisir, et vous vous ferez sur ce systême des idées réjouissantes. Quelquefois, par exemple, je me figure que je suis suspendu en l’air, et que j’y demeure sans mouvement