Page:Fontenelle - Entretiens sur la pluralité des mondes, Leroy, 1820.djvu/46

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murailles, et qu’il pourroit bien encore ressembler à Paris d’en être habité. Tout cela ne gagnera rien sur mon bourgeois, il s’obstinera toujours à soutenir que Saint-Denis n’est point habité, puisqu’il n’y voit personne. Notre Saint-Denis c’est la lune, et chacun de nous est ce bourgeois de Paris, qui n’est jamais sorti de sa ville.

Ah ! interrompit la Marquise, vous nous faites tort, nous ne sommes point si sots que votre bourgeois ; puisqu’il voit que Saint-Denis est tout fait comme Paris, il faut qu’il ait perdu la raison pour ne le pas croire habité ; mais la lune n’est point du tout faite comme la terre. Prenez garde, Madame, repris-je, car s’il faut que la lune ressemble en tout à la terre, vous voilà dans l’obligation de croire la lune habitée. J’avoue, répondit-elle, qu’il n’y aura pas moyen de s’en dispenser, et je vous vois un air de confiance qui me fait déjà peur. Les deux mouvemens de la terre, dont je ne me fusse jamais doutée, me rendent timide sur tout le reste ; mais pourtant serait-il bien possible que la terre fût lumineuse comme la lune ? car il faut cela pour leur ressemblance. Hélas ! Madame, répliquai-je, être lumineux n’est pas si grand-chose que vous pensez. Il n’y a que le Soleil en qui cela soit une qualité considérable. Il est lumineux