Page:Fontenelle - Entretiens sur la pluralité des mondes, Leroy, 1820.djvu/45

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en prend dans les guerres civiles, où l’incertitude de ce qui peut arriver fait qu’on entretient toujours des intelligences dans le parti opposé, et qu’on a des ménagemens avec ses ennemis mêmes. Pour moi, quoique je croie la lune habitée, je ne laisse pas de vivre civilement avec ceux qui ne le croient pas, et je me tiens toujours en état de me pouvoir ranger à leur opinion avec honneur, si elle avoit le dessus ; mais en attendant qu’ils aient sur nous quelque avantage considérable, voici ce qui m’a fait pencher du côté des habitants de la lune.

Supposons qu’il n’y ait jamais eu nul commerce entre Paris et Saint-Denis, et qu’un bourgeois de Paris, qui ne sera jamais sorti de sa ville, soit sur les tours de Notre-Dame, et voie Saint-Denis de loin ; on lui demandera s’il croit que Saint-Denis soit habité comme Paris. Il répondra hardiment que non ; car, dira-t-il, je vois bien les habitants de Paris, mais ceux de Saint-Denis je ne les vois point, on n’en a jamais entendu parler. Il y aura quelqu’un qui lui représentera qu’à la vérité, quand on est sur les tours de Notre-Dame, on ne voit pas les habitants de Saint-Denis, mais que l’éloignement en est cause ; que tout ce qu’on peut voir de Saint-Denis ressemble fort à Paris, que Saint-Denis a des clochers, des maisons, des