Page:Fontenelle - Entretiens sur la pluralité des mondes, Leroy, 1820.djvu/55

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qui s’étoient réfugiés dans les caves en sortirent-ils ?

En vérité, reprit-elle, tout cela est trop honteux pour les hommes, il devroit y avoir un arrêt du genre humain, qui défendît qu’on parlât jamais d’éclipses, de peur que l’on ne conserve la mémoire des sottises qui ont été faites ou dites sur ce chapitre-là. Il faudroit donc, répliquai-je, que le même arrêt abolît la mémoire de toutes choses, et défendît qu’on parlât jamais de rien, car je ne sache rien au monde qui ne soit le monument de quelque sottise des hommes.

Dites-moi, je vous prie, une chose, dit la Marquise. Ont-ils autant de peur des éclipses dans la lune que nous en avons ici ? Il me paraîtroit tout à fait burlesque que les Indiens de ce pays-là se missent à l’eau comme les nôtres, que les Américains crussent notre terre fâchée contre eux, que les Grecs s’imaginassent que nous fussions ensorcelés, et que nous allassions gâter leurs herbes, et qu’enfin nous leur rendissions la consternation qu’ils causent ici-bas. Je n’en doute nullement, répondis-je. Je voudrois bien savoir pourquoi Messieurs de la lune auroient l’esprit plus fort que nous. De quel droit nous feront-ils peur sans que nous leur en fassions ? Je croirois même, ajoutai-je en riant, que comme un nombre prodigieux d’hommes ont été assez