Page:Fontenelle - Entretiens sur la pluralité des mondes, Leroy, 1820.djvu/65

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ils n’avoient jamais conçu que des hommes pussent être portés par des animaux ; ils regardoient la mer comme un grand espace défendu aux hommes, qui se joignoit au ciel, et au-delà duquel il n’y avait rien. Il est vrai qu’après avoir passé des années entières à creuser le tronc d’un gros arbre avec des pierres tranchantes, ils se mettoient sur la mer dans ce tronc, et alloient terre à terre portés par le vent et par les flots. Mais comme ce vaisseau étoit sujet à être souvent renversé, il falloit qu’ils se missent aussitôt à la nage pour le rattraper et, à proprement parler, ils nageoient toujours, hormis le temps qu’ils s’y délassaient. Qui leur eût dit qu’il y avoit une sorte de navigation incomparablement plus parfaite qu’on pouvoit traverser cette étendue infinie d’eaux, de tel côté et de tel sens qu’on voulait, qu’on s’y pouvoit arrêter sans mouvement au milieu des flots émus, qu’on étoit maître de la vitesse avec laquelle on allait, qu’enfin cette mer, quelque vaste qu’elle fût, n’étoit point un obstacle à la communication des peuples, pourvu seulement qu’il y eût des peuples au-delà, vous pouvez compter qu’ils ne l’eussent jamais cru. Cependant voilà un beau jour le spectacle du monde le plus étrange et le moins attendu qui se présente à eux. De grands corps énormes qui paraissent avoir des ailes blanches, qui volent sur