Page:Fontenelle - Entretiens sur la pluralité des mondes, Leroy, 1820.djvu/81

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du soleil, ou qui en s’affoiblissant comme de nuance en nuance, les accoutumeroit à sa perte. Ils sont dans des ténèbres profondes, et tout d’un coup il semble qu’on tire un rideau, voilà leurs yeux frappés de tout l’éclat qui est dans le soleil ; ils sont dans une lumière vive et éclatante, et tout d’un coup les voilà tombés dans des ténèbres profondes. Le jour et la nuit ne sont point liés par un milieu qui tienne de l’un et de l’autre. L’arc-en-ciel est encore une chose qui manque aux gens de la lune ; car si l’aurore est un effet de la grossièreté de l’air et des vapeurs, l’arc-en-ciel se forme dans les pluies qui tombent en certaines circonstances, et nous devons les plus belles choses du monde à celles qui le sont le moins. Puisqu’il n’y a autour de la lune ni vapeurs assez grossières, ni nuages pluvieux, adieu l’arc-en-ciel avec l’aurore, et à quoi ressembleront les belles de ce pays-là ? Quelle source de comparaisons perdue ?

Je n’aurois pas grand regret à ces comparaisons-là, dit la Marquise, et je trouve qu’on est assez bien récompensé dans la lune, de n’avoir ni aurore ni arc-en-ciel ; car on ne doit avoir par la même raison ni foudres ni tonnerres, puisque ce sont aussi des choses qui se forment dans les nuages. On a de beaux jours toujours sereins, pendant lesquels