Page:Fontenelle - Entretiens sur la pluralité des mondes, Leroy, 1820.djvu/82

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on ne perd point le soleil de vue. On n’a point de nuits où toutes les étoiles ne se montrent ; on ne connaît ni les orages, ni les tempêtes, ni tout ce qui paraît être un effet de la colère du ciel ; trouvez-vous qu’on soit tant à plaindre ? Vous me faites voir la lune comme un séjour enchanté, répondis-je ; cependant je ne sais s’il est si délicieux d’avoir toujours sur la tête, pendant des jours qui en valent quinze des nôtres, un soleil ardent dont aucun nuage ne modère la chaleur. Peut-être aussi est-ce à cause de cela que la nature a creusé dans la lune des espèces de puits, qui sont assez grands pour être aperçus par nos lunettes ; car ce ne sont point des vallées qui soient entre des montagnes, ce sont des creux que l’on voit au milieu de certains lieux plats et en très grand nombre. Que sait-on si les habitants de la Lune, incommodés par l’ardeur perpétuelle du soleil, ne se réfugient point dans ces grands puits ? Ils n’habitent peut-être point ailleurs, c’est là qu’ils bâtissent leurs villes. Nous voyons ici que la Rome souterraine est plus grande que la Rome qui est sur terre. Il ne faudroit qu’ôter celle-ci, le reste seroit une ville à la manière de la lune. Tout un peuple est dans un puits, et d’un puits à l’autre il y a des chemins souterrains pour la communication des peuples. Vous vous moquez de cette vision ;