passions, trouveront sans doute fort insipide tout le bonheur que peuvent produire les plaisirs simples. Ce qu'ils appellent insipidité, je l’appelle tranquillité ; et je conviens que la vie la plus comblée de ces sortes de plaisirs n'est guère qu'une vie tranquille. Mais quelle idée a-t-on de la condition humaine, quand on se plaint de n'être que tranquille? et l'état le plus délicieux que l'on puisse imaginer, que devient-il après que la première vivacité du sentiment est consumée? il devient un état tranquille ; c'est même le mieux qui puisse lui arriver.
Il n'y a personne qui dans le cours, de sa vie n'ait quelques événements heureux des temps ou des moments agréables. Notre imagination les détache de tout ce qui les a précédés ou suivis ; elle les rassemble, et se représente une vie qui en serait toute composée : voilà ce qu'elle appellerait du nom de bonheur, voilà à quoi elle aspire, peut-être sans oser trop se l'avouer. Toujours est-il certain que tous les intervalles languissants, qui dans les situations les plus heureuses sont et fort longs et en grand nombre, nous les regardons à peu près comme s'ils n'y devaient pas être. Ils y sont cependant, et en sont bien inséparables. Il n'y a point en chimie d'esprit si vif qui n'ait beaucoup de flegme ; l'état le plus délicieux en a beaucoup aussi, beaucoup de temps insipide, qu'il faut tâcher de prendre en gré.
Souvent le bonheur dont on se fait l'idée, est trop composé et trop compliqué. Combien de choses, par exemple, seraient, nécessaires pour celui d'un courtisan ? du crédit auprès des ministres, la faveur du Roi, des établissements considérables pour lui et pour ses enfants, de la fortune au jeu, des maîtresses fidèles et qui flattassent sa vanité ; enfin tout ce que peut lui représenter une imagination effrénée et insatiable. Cet homme-là ne pourrait être heureux qu'à trop