Mais comme nous ne pouvons pas rompre avec tout ce qui nous environne, quels seront les objets extérieurs auxquels nous laisserons des droits sur nous ? ceux dont il y aura plus à espérer qu'à craindre. Il n'est question que de calculer, et la sagesse doit toujours avoir les jetons à la main. Combien valent ces plaisirs-là, et combien valent les peines dont il faudrait les acheter, ou qui les suivraient ? on ne saurait disconvenir que selon les différentes imaginations les prix ne changent, et qu'un même marché ne soit bon pour l'un et mauvais pour l'autre. Cependant il y a à peu près un prix commun pour les choses principales ; et de l'aveu de tout le monde, par exemple, l'amour est un peu cher : aussi ne se laisse-t-il pas évaluer.
Pour le plus sûr, il en faut revenir, aux plaisirs simples, tels que la tranquillité de la vie, la société, la chasse, la lecture, etc. S'ils ne coûtaient moins que les autres, qu'à proportion de ce qu'ils sont moins vifs, ils ne mériteraient pas de leur être préférés, et les autres vaudraient autant leur prix que ceux-ci le leur : mais les plaisirs simples sont toujours des plaisirs, et ils ne coûtent rien. Encore un grand avantage, c'est que la fortune ne nous les peut guère enlever, Quoiqu'il ne soit pas raisonnable d'attacher notre bonheur à tout ce qui est le plus exposé aux caprices du hasard, il semble que le plus souvent nous choisissons avec soin les endroits les moins sûr pour l'y placer. Nous aimons mieux avoir tout notre bien sur un vaisseau qu'en fonds de terre. Enfin les plaisirs vifs n'ont que des instants, et des instants souvent funestes par un excès de vivacité qui ne laisse rien goûter après eux ; au lieu que les plaisirs simples sont ordinairement de la durée que l’on veut ; et ne gâtent rien de ce qui les suit.
Les gens accoutumés aux mouvements violents des