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SOUVENIRS

il féconde la lave, fertilise la cendre, élève une ville sur les ruines de celle qui vient d’être engloutie. Le Sicilien agité par une passion personnelle, ou entraîné dans le mouvement d’une vengeance nationale, devient sombre, terrible, inexorable. Ce n’est plus cet homme qui, pour quelques baïoques, prévenait vos desirs, se soumettait à vos moindres caprices ; c’est un tigre altéré de carnage. La soif de l’indépendance brûle son sang, et la haine de l’étranger devient sa pensée dominante : tel fut le Sicilien au massacre des Vêpres ; tel il est encore aujourd’hui, superstitieux, indiscipliné, méfiant, indomptable. Son patriotisme bien dirigé peut le rendre capable des plus grandes choses. Il est, de tous les peuples de l’Italie, celui qui supporterait le plus impatiemment le joug de l’étranger. C’est sur-tout à lui que s’applique le beau vers d’Alfieri :

Schiavi siam si, ma schiavi ognor frementi.

Le caractère napolitain est complétement différent ; il est permis de croire qu’une lutte à forces égales entre ces deux peuples serait avantageuse aux Siciliens. Les plus lourdes chaînes