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DE LA SICILE.

n’arrêteront jamais la gaieté napolitaine. Ce peuple léger se contenterait de chanter sa servitude et de se moquer de ses maîtres. Le Sicilien, au contraire, sait endurer la faim, la soif ; il nourrit long-temps le projet d’une vengeance éloignée : mais cet insulaire ne trahira jamais l’hospitalité, ni le souvenir d’un bienfait.

L’époque du Bas-Empire, qui détrôna Rome et dégrada les autres peuples de l’Italie, vint arracher les Siciliens à toutes les habitudes de la mollesse et de l’esclavage. Rajeunis, retrempés par des guerres continuelles, ils apprirent sous des rois chevaliers à aimer, à défendre leur patrie. Les Siciliens s’élevèrent alors jusqu’à cette puissance d’aversion contre la domination étrangère, qui les rendit capables d’exécuter ces Vêpres, action tout antique, quelque blâmable qu’elle puisse être. Enfin on ne saurait refuser à ces deux peuples voisins, les Napolitains et les Siciliens, les dons précieux du génie, l’esprit, le goût, la finesse ; mais une sorte de fierté sauvage, élevée, rendra toujours le Sicilien plus capable de grands crimes, de hautes découvertes, de nobles écrits et d’actions héroïques.