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NOTES.

fit regretter beaucoup moins de citoyens syracusains qu’ils n’ont perdu de dieux à l’arrivée de Verrès. On dit même qu’il fit chercher le fameux Archimède, dont le nom rappelle le profond savoir et le génie presque divin, et qu’ayant appris sa mort il en eut un vrai chagrin. Quelle distance d’un tel homme à celui-ci, dont toutes les recherches ont eu pour but, non de conserver, mais de piller !

Je passerai sous silence une infinité de larcins qui feraient peu d’impression, si j’en parlais en cet endroit. Je pourrais dire qu’il a fait enlever de tous les temples de Syracuse de superbes tables de Delphes, de belles coupes d’airain, une quantité prodigieuse de vases de Corinthe. Aussi, Romains, ceux qui sont chargés de montrer les curiosités de la ville aux étrangers, et que les Grecs appellent mystagogues, font présentement leur métier tout au rebours : car, au lieu qu’auparavant ils montraient les choses mêmes, ils ne font plus que montrer la place que chacune occupait. Maintenant, je le demande, qui d’entre vous peut se figurer que les Siciliens n’aient ressenti qu’une douleur médiocre de tous ces brigandages ? Non certes, il n’en est pas ainsi. Premièrement, tous les hommes font profession de chérir les objets de leur culte ; c’est pour eux tous un devoir sacré de conserver et d’adorer les dieux de leurs pères. En second lieu qui ne sait pas que ces chefs-d’œuvre de l’art, ces tableaux,