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HISTOIRE INDIENNE.

» Mon père, à qui l’amour et les consolations d’Ussékir faisaient seuls oublier ses infortunes, fut si accablé par cette perte, qu’il passa plus d’un an sans revenir à la chaumière. Il fuyait nos caresses qui redoublaient le sentiment de ses maux. Errant dans les forêts, il paraissait seulement quelquefois sur un rocher qui dominait notre habitation. Souvent alors, aidée par Misra, qui avait près de douze ans, je gravissais, sans être vue, par les chemins les plus escarpés : nous arrivions jusqu’à mon père, en lui tendant nos petites mains ; il accourait, nous pressait sur sa poitrine, et puis, ne pouvant plus résister à l’excès de sa peine, il s’éloignait rapidement. Une jeune esclave de Bember nous ramenait alors plus tristes et plus découragés que jamais.

» Attendri par nos instances, mon père se décida cependant à revenir auprès de nous. Il voulait s’occuper de notre éducation ; mais les moyens en étaient fort bornés, et la violence de ce dernier chagrin avait altéré sa mémoire. Nous ne possédions que deux livres français : l’un était les Évangiles, et l’autre, le Télémaque. J’avais été baptisée à Bednoure par un