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LE RAJAH DE BEDNOURE,

l’eau la plus froide le front, les yeux éteints du rajah : j’essaie de le soulever ; tous mes efforts sont inutiles. Dans l’excès de mon désespoir, au comble du désordre, je monte sur une sommité voisine, d’où je poussais des cris lamentables et prolongés ; personne ne m’entendait : mes pieds blessés par les épines ne me portaient plus qu’avec peine. Je descendis épuisée de douleur et de fatigue, à demi nue ; j’avais déchiré mes vêtemens pour étancher le sang que Misra perdait avec abondance. Enfin je ne songeais plus qu’à mourir avec lui : ma main s’appuyait sur son cœur ; j’en attendais les battemens faibles et inégaux, et mon souffle cherchait à rappeler à la vie celui dont je me reprochais la mort. J’entendais au loin le rugissement du lion et le cri du chacal : le trépas allait nous réunir, quand la Providence dirigea vers nous nos deux fidèles esclaves que mon père suivait d’assez près. Il serait impossible de donner la plus faible idée de son état, lorsqu’il nous trouva ainsi privés de mouvement : car je fus long-temps aussi insensible que le rajah aux premiers secours qui nous furent prodigués.

» Depuis que je connais un peu le monde, je