Page:Forneret - Rien, 1983.djvu/13

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Je sais bien que ceux qui les écoutent les croient, c’est l’homme endormi qui devient aveugle sous un rayon de lune dans les forêts de Démérari, contrées des tropiques ;

Je sais bien tout cela ; mais, j’avoue que tout cela ne prouve pas…

— Vous avez du génie, s’écrièrent Young et Byron, vous avez du génie… !

— D’abord de la mémoire, répondit Voltaire.

— Et si le temps était un gâteau et qu’on le partageât, on vous devrait au moins un siècle ; et pour part au couteau, une médaille presque large comme la lune où serait gravé tout ce qui est advenu de bien sous votre influence.

— Mon orthographe, n’est-ce pas, messieurs ?

— Oh ! voilà bien le grand homme, oubliant sa force et parlant de sa faiblesse.

— Mettons science et prétention de côté. Voulez-vous, messieurs, et écoutez-moi un instant.

— Nous le voulons de tout cœur.

— Eh bien, encore jeune, à Paris, j’avais une maîtresse. Un jour qu’elle m’envoya des vins excellents, avec cette adresse : « Au génie en herbe », je ne pus m’empêcher de lui répondre immédiatement : « Arrosé par une femme, il sera bientôt en fleurs. »

Cela me fait souvenir d’un voyage en Bourgogne, que je fis en mil sept cent… quatorze. J’avais vingt ans. Ma maîtresse de Paris m’accablait de lettres, demandant explications détaillées sur ce que je faisais, sur mon genre de vie, et quand enfin, je reviendrais près d’elle.

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