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Des fleurs étaient effeuillées sur le fauteuil et dans tout le pavillon. Un petit banc, recouvert d’un coussin, touchait les pieds de devant du siège de repos, et ne servait que pour la place de droite ; au moins, on pouvait le supposer. — Le bras restant du fauteuil était aussi à droite.

Sous l’appui du petit banc, disposé en forme de tiroir, existait un coffret en ussassi, qu’on dérangeait et remettait souvent dans sa case ; ses angles s’émoussaient, s’esquillaient, s’arrondissaient à force d’être touchés, retouchés, encore, encore.

Neuf heures sonnaient au moment où la lune donnait son regard, où l’araignée filait, où le ver luisant luisait.

L’eau coulait comme le temps passe, toujours.

Bientôt apparut, dans la ligne de terre et de sable d’un sentier, une femme jeune. Sa robe était blanche et volait sous la bouche du vent. Ses cheveux s’agitaient comme des flots dorés, sur sa poitrine pâle comme sa robe, et haletante comme ses cheveux. Sa bouche, oh ! sa bouche, vous eussiez dit qu’elle se posait sur des lèvres, tant elle était frémissante, tant y était appliquée cette agitation voluptueuse qui n’existe que quand lèvres sont sur lèvres, que lorsque cœur est sur cœur. Dans tous ses traits, il y avait toute l’espérance ; dans le plus caché de ses regards, il y avait la mort que donne souvent un bonheur ; vous savez, cette mort qui vous arrive par un frisson qui vous gagne, par un serrement qui lie vos veines, par cette extase qui arrête votre vie et vous laisse la chaleur de votre sang ; vous savez ?

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