Page:Forneret - Rien, 1983.djvu/32

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C’est que, voyez-vous, cette femme allait à un rendez-vous d’amour. Elle croyait bien à Dieu, allez ; à Dieu, aux saints, aux anges, à tout ; oh ! oui, elle croyait. Si vous aviez pu voir son cœur sauter dans sa poitrine au milieu de ses saintes croyances, vous vous seriez dit : « Qu’a donc cette femme ? oh ! mais, qu’à donc cette femme ? » Et si fort et si armé que vous eussiez été, si elle avait pu lire vos pensées à travers votre visage, elle vous aurait répondu : « Arrière ! arrière ! que je passe ! Je vais à mon rendez-vous d’amour, — et dussé-je en passant vous laisser une partie de mon corps sur votre épée, — plusieurs de mes os cassés, brisés, moulus, à cette partie de mon corps, — pourvu qu’il m’en reste assez pour pouvoir porter mon cœur sur celui de mon amant ; — pourvu que j’aie encore à donner un souffle à son baiser, un sourire à sa bouche, un regard à ses yeux, une larme à son âme ; — eh bien ! que mon sang coule après sous la pointe de votre arme ; — que ma chair se sépare et s’épande sous son tranchant, — peu m’importe, voyez-vous, peu m’importe ! Mais par grâce, mon Dieu ! mon Dieu ! que j’aille à mon rendez-vous d’amour, que j’aille au paradis du Ciel ! »

Et elle allait, elle allait, la jeune femme, caressant la terre de ses pieds, comme si elle l’eût baisée, parfumant, de son passage, les fleurs et l’air ; — laissant partout un peu de ses yeux, un peu de son souffle, un peu de son âme.

Elle disait : « Je vais donc le regarder, lui parler, l’entendre, le toucher ! Oh ! oui, j’aurai tout cela. Ma voix se mêlera à la sienne ; mais la

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