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PRÉFACE DE PIERRE LOUYS

Il y a six ans déjà[1], M. Paul Fort avait fait connaître son nom par une œuvre dont la génération actuelle lui sera toujours reconnaissante et qui fut le Théâtre d’Art. Presque seul, sans ressources, sans appui, il eut, à dix-huit ans, l’ambition généreuse de contredire, par une rivalité active et pleine de foi, le Théâtre Libre, où s’efforçait la jeune école naturaliste. Il enrôla des acteurs sans gages, il fit brosser des toiles par des décorateurs révolutionnaires ; il reçut des pièces absconses qu’il fit apprendre et des pièces injouables qu’il fit jouer. Il eut des auteurs et même un public qu’il attira tour à tour au Marais, à Montparnasse, à Montmartre, au Vaudeville. Le premier, il eut l’idée intelligente de mêler au plus nouveau théâtre le théâtre ancien oublié : le nom de Christopher Marlowe et celui de M. Pierre Quillard furent unis sur la même affiche. Grâce à lui, Mme Rachilde, Maurice Maeterlinck, Jules Laforgue, Charles van Lerberghe, Paul Verlaine, Rémy de Gourmont, Charles Morice, et d’autres encore qui, depuis, se sont échelonnés aux divers degrés de la célébrité, connurent la rampe. Il joua même des Chansons de Geste, même un Poème de M. Mallarmé. — Enfin il créa ce qui est devenu l’Œuvre et par là il contribua peut-être plus que personne (tant le théâtre est une

  1. En 1890.