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Page:Fortier - Les mystères de Montréal, 1893.djvu/17

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les mystères de montréal

ment ; on se préparait à lever la tête. Et Paul Turcotte était l’âme de toutes ces petites réunions anti-ministérielles qui ne cessaient pas d’inquiéter les ministres.

C’était un de ces jeunes gens si populaires d’alors. Il portait de longs cheveux, parlait le langage figuré du peuple, s’habillait d’étoffe du pays, se chaussait de bottes tannées, fumait le tabac canadien dans une pipe de plâtre culottée et avait osé crier à l’assemblée des six comtés : « À bas le gouvernement ! »

Dès sa jeunesse son père l’avait pris par la main, lui avait fait voir les agissements des officiers anglais, les injustices dont les Canadiens-français étaient les victimes : il lui avait dit comment on se jouait du traité de 1763 et lui avait enseigné des chants patriotiques.

Paul avait grandi dans ces idées de revendication nationale et il voyait arriver avec impatience l’heure où l’on demanderait compte au gouvernement, par les armes, de sa manière d’agir.

C’était surtout le dimanche à la porte de l’église qu’on pouvait juger de sa popularité. Une foule d’amis l’entouraient et il fallait voir les fillettes se disputer ses sourires et interpréter ses regards en leur faveur.

Que de mères rêvaient pour leurs filles une heureuse alliance avec les Turcotte.

Paul avait un rival sérieux. Un jour que, causant avec son cinquième voisin et ami, Charles Gagnon, il lui faisait part de son intention d’entrer en amour avec la fille du notaire, il vit que son compagnon caressait le même rêve.