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Page:Fortier - Les mystères de Montréal, 1893.djvu/250

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les mystères de montréal

jouait la farce au dépens de Longpré. Longpré c’était moi.

J’étais habitué et n’en faisais plus de cas…

Donc, dans la soirée de la Ste-Catherine, il y a quinze ans, le Découvreur était à deux cents lieues en bas de Québec ; Thibault se promenait sur le pont en lorgnant l’horizon, il dit de sa voix sèche :

— Mes vieux, il va geler cette nuit… Demain nous serons pris dans les glaces, obligés d’aller chasser l’ours sur la côte, puisque ce matin, nous avons ouvert le dernier baril de hareng…

Les prévisions du capitaine se réalisèrent.

Le lendemain un champ de glace immense entourait le navire.

Au nord, la côte se dessinait aride et déserte au point qu’il eut fallu faire vingt lieues avant de rencontrer la première habitation ; au sud, un mille de glace et quatre-vingt dix de golfe… Nous étions cantonnés pour l’hiver !

Thibault, ne prit pas la chose du bon côté.

— C’est choquant, fit-il, passer l’hiver ici !

Et je l’entendis grommeler en se retournant.

— Vis-à-vis cette côte encore… le diable s’en mêle…

Je remarquai ces paroles passées inaperçues aux autres.

Thibault eut beau faire, il eut beau hisser toutes les voiles, depuis le foc du beaupré jusqu’au hunier d’artimon, le navire ne bougea pas d’un pouce.