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les mystères de montréal

En effet, peu après il commença à tomber une pluie fine et continue.

— Tiens, Homère, dit Paul Turcotte, décroche ce violon et joue nous une gigue. Cela va nous aider à dérouiller nos faulx

Homère Paradis était le troubadour du village. C’était un petit homme de trente-cinq ans, sec, avec des prétentions à se dire musicien. À combien de veillées ne prêtait-il pas son concours, toujours assis dans un coin, tapant du pied pendant que son archet, alerte, expressive faisait sautiller les invités d’un bout à l’autre de l’appartement.

Il accorda le vieil instrument et une harmonie guerrière se mêla au bruit des faulx qu’on aiguisait et des fusils qu’on nettoyait.

Au milieu de cette foule rendue bruyante par l’impatience d’entendre sonner la cloche de la liberté, le notaire Duval devenait triste, soucieux parfois et son front se ridait. Il se demandait si tous ces braves survivraient à la lutte qu’on engageait. Ce vaillant petit peuple, si énergique qu’il fut, échapperait-il à la mitraille anglaise ?

Le notaire n’était pas le seul à se livrer à des réflexions sombres. De son côté son lieutenant Paul Turcotte était obsédé par une question qui n’était pas sans importance pour lui. Charles Gagnon manquait à l’appel des jeunes gens. Pourtant les Gagnon étaient patriotes de père en fils, et, depuis l’année où la France