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les mystères de montréal

avenir !… Pourquoi vous condamner à vivre seule, avec le souvenir d’un homme, qui, je veux bien croire, fut charmant mais qui n’est plus ?… Nous regretterez cela tôt ou tard…

— Quand j’aurai acquis la certitude que Paul Turcotte, le capitaine du Marie-Céleste, n’est plus : s’il est trop tard pour me marier, je mettrai les murs d’un couvent entre le monde et moi, emportant dans le cloître un cœur brisé par la perversité d’un homme qui s’est fait le meurtrier de mon père, de ma mère, de mon fiancé, et de plusieurs autres personnes, dans le dessein de m’épouser, mais qui ne m’épousera jamais.

Le banquier eut une crispation de nerfs affreuse qu’il dissimula en plongeant la tête dans ses mains.

Quand il sortit de cet état de prostration, son œil, d’ordinaire si brillant, si vif, était morne, abattu, semblable au fougueux coursier qui, ayant parcouru une longue route, arrive épuisé au terme.

Il prêta l’oreille.

On marchait dans le passage. S’éloignant de la jeune fille dont il s’était approché, dans l’excitation du moment, il lui dit d’une voix suppliante :

— Voici votre sœur qui rentre, un mot d’espérance, Jeanne.

Elle répondit sur un ton bas mais énergique.

— Je ne puis, monsieur.

George Braun et sa femme entraient au salon.

Il était dix heures moins le quart. Braun sorti du « London Club » vers neuf heures, s’était dirigé vers sa