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les mystères de montréal

Tous les membres de ce petit groupe n’avaient pas la même pensée.

La femme du proscrit, vu l’heure avancée — neuf heures — se demandait s’il n’était pas arrivé malheur à son mari. Jeanne revoyait Paul, guéri de ses blessures, et Boisvert laissait trottiner dans sa tête des idées politiques d’un anti-colbornisme avancé.

Félix Boisvert était le fermier de Matthieu Duval. C’était un type de franc tapageur, connu dans les six comtés confédérés. Trente ans, beau garçon, intelligent comme pas un, patriote enragé, audacieux, habile tireur, il avait fait mordre la poussière à plus d’un Habit-Rouge dans son automne et se promettait d’en faire autant à la prochaine occasion.

On disait de lui : « S’il était instruit, il serait un homme remarquable. » Il y en a beaucoup de ces individus qui manquent absolument d’instruction, mais que leur intelligence naturelle et leur jugement sain font marcher de paire avec d’autres plus favorisés sous le rapport de l’éducation. Instruits, ces hommes deviennent des êtres supérieurs.

Au dehors il faisait un véritable hiver canadien. Une bourrasque amoncelait la neige en bancs inégaux, effaçait le chemin et emprisonnait le bâtiment dans une épaisse muraille.

On ne voyait ni ciel ni terre et on ne distinguait pas la lumière chez le voisin. La nature donnait un concert mirobolant dont on entendait les notes se répercuter