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les mystères de montréal

Le soir même, à la brunante, ils reprenaient le chemin de la frontière. Les adieux furent déchirants : on eut un pressentiment que le drame dangereux qui se jouait alors aurait un dénouement lugubre.

L’hiver se passa triste sur les bords glacés du Richelieu. On suivait avec un intérêt fiévreux les questions politiques du jour.

Chaque soir au passage du courrier on dévorait les colonnes de La Minerve et du Herald. Les nouvelles se répandaient rapides dans le village d’où elle gagnaient les concessions.

— Comment va tourner cette échauffourée ? demandaient les habitants en se rencontrant.

Les patriotes seront acquittés, répondaient les uns ; pendus ou exilés répondaient les autres.

Jeanne et Marie Duval sortaient peu et assistaient rarement aux fêtes tranquilles du village.

Dans cette affaire le traître avait vu une bonne spéculation à faire. Charles Gagnon combla de ses soins la famille qu’il avait privé de son chef. Il lui fit de fréquentes visites. Souvent le dimanche, il arrêtait avec sa mère prendre deux personnes de la famille du proscrit — quelque fois c’était Jeanne et Marie d’autre fois, madame Duval et Albert — pour les amener à la messe en voiture.

Cependant il ne se conduisit jamais en prétendant mais toujours en ami de la famille.