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les mystères de montréal

sin dépendait d’une sage neutralité, et par dessus tout il craignait de se trahir.

Au fond c’était une famille de patriotes que les Gagnon, et le père François faisait ses petits coups. Pendant que, à cause de son attitude, patriotes et bureaucrates affluaient à son établissement, il glissait de temps en temps un chèque aux chefs du mouvement, et vendait au prix coûtant aux patriotes incendiés.

Ainsi il faisait du bien à la ligue, peut-être plus que s’il se fut déclaré en sa faveur.

Le curé Demers était un homme d’initiative. Un dimanche, à la grand’messe, il félicita les habitants sur leur promptitude à se rebâtir ; il leur dit aussi que l’église ne se rebâtirait pas seule ; qu’à cette fin, après s’être consulté avec quelques dames de Saint-Denis, il ferait un grand bazar ; que vu la situation où se trouvaient ses paroissiens, il ne pouvait leur demander beaucoup, mais qu’il comptait sur le généreux concours des paroisses voisines.

— Donnez-vous la main, dit-il, pour retirer de ses ruines ce temple où vous avez été baptisés. Si vous n’avez pas d’argent, apportez l’aumône de votre travail et qu’un jour vos fils et vos filles puissent dire en voyant reluire le nouveau clocher : « Ils l’ont tiré de ses cendres, ils l’ont bâti sur les ruines de l’ancien. »

Un bazar à la campagne, c’est un événement inouï que les hommes même n’hésitent pas à proclamer.

Charles Gagnon, qui avait déjà habité Montréal,