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les mystères de montréal

avec la frénésie d’un lion les barreaux de sa fenêtre. Il comprit ce qui était arrivé : les patriotes avaient essuyé une défaite générale puisqu’ils étaient prisonniers en si grand nombre.

Et pendant ce temps que faisait-on à Saint-Denis

L’automne était revenu, et avec lui les inquiétudes de l’année dernière dans la famille Duval. On se rassemblait encore dans le salon neuf, comme dans l’ancien, pour causer des absents. Cette fois-ci les événements se passaient à dix lieues de là. Mais c’était à peu près les mêmes acteurs qui jouaient leurs têtes en tenant des rôles dans ce grand drame de la vie réelle.

À travers tous ces événements le traître du premier novembre mil huit cent trente-sept en était venu à une conclusion : celle qu’il travaillait inutilement et que jamais, du vivant de Paul Turcotte, il n’entrerait en amour avec la fille du notaire. Car ce qui se passait en ce temps d’oppression ne faisait que cimenter les fiançailles des deux jeunes gens.

Depuis le bazar, Charles Gagnon parlait rarement à Jeanne, et ses visites à la famille Duval étaient moins fréquentes. Cependant il recherchait les occasions de voir la jeune fille, de la contempler à la dérobée. Il s’embusquait sur son passage. À l’église il se mettait derrière elle ; il savait les heures où elle passait devant le magasin et il regardait alors par la fenêtre. Il faisait tomber la conversation sur elle et toujours sa passion pour elle allait croissante.

Cette après-midi il est triste. Il est seul au magasin