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Page:Fortuné du Boisgobey - Le Pouce crochu, Ollendorff, 1885.djvu/106

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le pouce crochu

minant, et Courapied lui apprit que la « femme en culottes » était une demoiselle qui administrait, en costume masculin, cette cité bizarre ; qu’elle ne craignait pas de prendre au collet les récalcitrants, et qu’elle ne se gênait pas pour démonter les portes de leurs chambres quand ils s’obstinaient à ne pas payer.

On arriva bientôt à la hauteur de cet assemblage de baraques construites toutes sur un modèle unique. C’est une longue suite de rez-de-chaussée surmontés d’un étage avec balcon de bois.

Tout le monde dormait dans la cité, ou du moins on n’y entendait aucun bruit, et ce silence était rassurant.

Mais en face, et de l’autre côté de la route, s’élevait une grande maison blanche où l’on vendait à boire et à manger, comme l’indiquait une énorme enseigne peinte par un artiste inconnu, un vrai tableau représentant, au premier plan, une immense casserole ; autour de cette casserole, un prêtre, un bedeau, un enfant de chœur et un croque-mort : tout le personnel d’un enterrement ; au fond dans un lointain vague, de longues files de lapins, accourant sur deux rangs pour se précipiter dans le bassin de cuivre où ils vont passer de vie à gibelotte.

Au-dessus de cette toile fantaisiste, s’étalait en gros caractères l’inscription : Au tombeau des lapins ; inscription qui avait beaucoup contribué à la renommée de l’établissement.

Le Tombeau des lapins était connu dans tous les mondes, à ce point que l’élégant Alfred de Fresnay le citait à la comtesse de Lugos comme une des curiosités du Paris marginal.

Ce soir-là, on y menait grand tapage et toute la vie du quartier semblait s’être concentrée dans la salle basse, bril-