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le pouce crochu

au restaurant un appétit d’enfer, sans compter une ferme volonté de faire connaissance avec toutes les créatures qui lui paraîtraient amusantes.

En fait de femmes, il n’eut que l’embarras du choix.

La grande salle était pleine et le personnel des habituées au grand complet.

Celles-là, à vrai dire, ne le tentaient pas beaucoup. Il les connaissait trop et il savait à quoi s’en tenir sur leur esprit, fait de vieilles plaisanteries qui ont traîné dans les journaux, et de mots plus ou moins drôles attrapés au vol dans les cabarets pseudo-moyen âge où fréquentent les rapins et les reporters.

Fresnay aurait voulu du neuf et il n’apercevait que des farceuses absolument incapables de le divertir.

Il resta donc planté au milieu du salon, cherchant un voisinage à sa convenance et passant de loin la revue des soupeuses qui ne se faisaient pas faute de lui adresser d’engageantes œillades.

Il n’y avait là que des seigneurs sans importance qui ne gênaient pas ces dames, et l’entrée d’un homme sérieux avait fait sensation.

Il finit par aviser dans un coin une fille qu’il n’avait jamais vue là et qui ne ressemblait pas aux autres. Elle était seule à une table et elle soupait modestement d’une tranche de jambon d’York qu’elle arrosait avec une demi-bouteille de Médoc ordinaire, mais on devinait sans peine qu’elle aurait préféré des truffes, des primeurs et du vin de Champagne frappé.

Il y avait justement une place libre à côté d’elle et Fresnay s’empressa de l’occuper.

Il avait trouvé ce qu’il cherchait.

Ce n’était pas que la donzelle fût très jolie, ni vêtue