Page:Fortuné du Boisgobey - Le Pouce crochu, Ollendorff, 1885.djvu/192

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
188
le pouce crochu

L’ameublement n’était pas encore complet. Mais, au train dont allait le bailleur de fonds, les objets d’art et les bibelots coûteux ne devaient pas se faire attendre. Tel qu’il était d’ailleurs, une femme, même difficile, pouvait fort bien s’en contenter.

Fresnay, dès le premier jour, avait pris des habitudes. Il venait chercher la comtesse à quatre heures pour la promener dans une élégante victoria qu’il avait louée au mois ; il dînait avec elle au restaurant, et il lui consacrait toute sa soirée, dans la plus large acception du mot, c’est-à-dire qu’il la quittait vers deux heures du matin pour aller finir sa nuit au cercle où le baccarat le maltraitait beaucoup moins depuis le commencement de sa liaison.

Madame de Lugos, entre autres qualités, avait celle de porter la veine.

Donc, un lundi, par un joli temps printanier, Alfred descendait un peu plus tôt que de coutume la rue Mozart au grand trot du cheval qui traînait sa voiture de louage.

La comtesse, ordinairement, l’attendait sur sa terrasse, ou derrière les vitres de la porte-fenêtre qui faisait face à la rue, mais ce jour-là, elle n’était pas à son poste, et en levant les yeux, Alfred crut apercevoir au dernier étage, à travers les carreaux d’une lucarne, une silhouette masculine.

— Déjà ! dit-il entre ses dents. Ce serait drôle et je ne prendrais pas la chose au tragique. Je ne serais même pas fâché d’avoir barre sur cette excellente Stépana… car enfin, je ne compte pas la garder à perpétuité et quand l’envie me prendra de rompre, je ne serais pas fâché d’avoir un bon prétexte.

La silhouette disparut bien avant que la victoria s’ar-