une œillade incendiaire à la Hongroise, qui répondit par un sourire encourageant.
Julien était outré, et pour mettre un terme à cet insupportable marivaudage, il allait rompre en visière à cette femme en lui enjoignant de déguerpir, lorsqu’un maître d’hôtel venu des salles du rez-de-chaussée, s’approcha sournoisement de la table, et demanda :
— Dois-je remettre à madame une carte qu’un monsieur m’a chargé de porter à madame la comtesse de Lugos ?
— Donnez ! dit l’étrangère en étendant le bras.
La carte passa sous le nez d’Alfred, et, dès que la dame y eut jeté les yeux, elle s’écria :
— Je savais bien que M. Tergowitz ne me ferait pas faux bond. Il est au concert ; il m’a vue, et il me prie de venir le rejoindre.
Puis, s’adressant au maître d’hôtel :
— Dites à ce monsieur, que je descends.
— Quoi ! vous allez nous quitter ! soupira Fresnay.
— À mon grand regret, cher monsieur, mais il le faut. Mon compatriote a ma parole pour ce soir… et quand je promets, je tiens.
— Présentez-nous à lui, tout de suite. Nous finirons la soirée à nous quatre.
— Ce serait charmant, mais il me semble plus convenable de remettre la présentation à un autre jour… chez moi, quand j’aurai le plaisir de vous y recevoir.
— Il habite donc aussi le Grand-Hôtel, votre compatriote, dit Fresnay avec intention.
— Non, monsieur, répliqua froidement madame de Lugos, mais je suis seule et il m’arrive parfois de m’ennuyer. M. Tergowitz sait cela et vient à peu près tous les jours