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DEUXIÈME PARTIE

LE CYCLE DU MAGADHA ET DE BÉNARÈS (LES DEUXIÈME ET TROISIÈME GRANDS PÈLERINAGES)

CHAPITRE V

LA QUÊTE DE L’ILLUMINATION

La vocation religieuse du Prédestiné a-t-elle été effectivement éveillée par la scène du Labourage, confirmée par les Quatre sorties, décidée par l’Instigation des dieux et enfin déterminée par un haut-le-cœur devant le spectacle de ses femmes endormies, qui voudrait en jurer ? Mais ce qui est bien certain, c’est qu’elle l’a jeté hors du monde ; et aucun fait historique ne demande moins d’explications. Nos annales chrétiennes sont pleines de sursauts psychologiques et d’évasions du même genre. En Europe comme en Asie des myriades d’aspirants au salut ont cru à la vertu efficace — disons mieux, à la nécessité primordiale du renoncement, de la pauvreté et de la chasteté. On pense d’abord à l’entrée (l’Inde disait : « au départ ») en religion de celui de nos saints qui a, comme le Bouddha, fondé un ordre de religieux mendiants : mais dans l’espèce l’analogie est beaucoup plus grande entre les communautés bouddhique et franciscaine qu’entre leurs deux fondateurs, car st François d’Assise était fils de marchand. Il existe des rapprochements beaucoup plus proches. Quand Ignace de Loyola, gentilhomme espagnol, sentit que sa vocation l’entraînait de façon irrésistible, il renvoya lui aussi à la maison écuyer, cheval, armes et armure ; et de même que Siddhârtha va d’abord se mettre à l’école de maîtres réputés, il inaugura sa vie nouvelle en allant étudier à l’Université de Paris. Autres temps, mêmes gestes ; autres religions, mêmes vœux. Le bon Marco Polo ne s’y est pas trompé. Vivant en un siècle de foi, mais rompu par ses lointains voyages aux idées de tolérance, il ne nous cache pas qu’il trouve la vie de « Sagamoni-Borcam[1] » extrêmement édifiante. Nous ne résistons pas au plaisir de citer (en modernisant un peu le vieux français de son « Livre » pour le rendre plus aisé à lire) le résumé fort exact qu’en toute simplicité il nous donne de la légende de ce païen, telle qu’il l’avait recueillie de la bouche des « idolâtres » :

  1. Marco Polo, comme ses informateurs, emploie la forme mongolisée du nom de Çâkya-muni Buddha.