Page:Foucher - La Vie du Bouddha, 1949.djvu/113

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vite fait d’effacer dans toutes les mémoires le commentaire oral des sites sacrés et la signification même des tableaux de piété peints ou sculptés sur les murailles des temples ou les entourages des stoupa. Sans cette déplorable intrusion, pas de doute que cette tradition ne fût restée vivante dans l’Hindoustan ; et, tout comme au temps de Hiuan-tsang, l’eau de « Puits-de-la-flèche » ferait encore des miracles. Tout ce passé est mort, et il n’y a pas à compter pour le ressusciter dans son intégrité ni sur les recherches archéologiques, ni sur le récent afflux de fidèles venus de Ceylan, de Birmanie et du Tibet. Des fouilles poussées en profondeur comme celles dont les abords du temple de Bodh-Gayâ ont été l’objet, renseigneraient sans doute sur l’aspect médiéval du pèlerinage local : mais que pourraient-elles nous révéler sur la personne et les actes du Prédestiné ? Pourtant on ne peut nier que l’identification relativement récente des huit places saintes — depuis Kapilavastou, la ville de l’Ultime naissance, jusqu’à Kouçinagara, la ville de l’Ultime trépas — n’ait apporté aux études bouddhiques un précieux appoint et un net encouragement. Imaginons un instant que sous le souffle desséchant de l’Islam la Palestine soit entièrement retournée au désert et que toute voix chrétienne s’y soit tue : cela n’empêcherait pas les collines de Galilée d’encadrer le lac de Tibériade, ni à Jérusalem l’éminence du Temple de se dresser en face du mont des Oliviers ; et toute tentative pour volatiliser en mythe l’existence réelle du Christ, si ingénieuse fût-elle, continuerait à se briser comme verre contre leur témoignage muet. De la même façon nous croyons aussi pouvoir dire : puisqu’en huit endroits précis de la plaine gangétique ruines et paysages nous conservent le cadre de la vie de Çâkya-mouni, ce n’est pas perdre son temps que de triturer et de passer au crible de la critique l’amoncellement de légendes qui nous dérobe sa véritable personnalité ; car, à travers cette couche mouvante de folles exagérations et d’inventions extravagantes, nous ne cessons malgré tout de sentir sous nos pieds le terrain solide des réalités géographiques et historiques. Il faudra seulement beaucoup gratter pour le retrouver.