Page:Foucher - La Vie du Bouddha, 1949.djvu/157

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Vous avez lu : choix du moment, nature des offres, pouvoir des offrants (car on ne peut donner que ce qu’on possède), tout est pareil ; et pareille aussi l’obstination des Tentateurs qu’aucune rebuffade ne décourage ; pareille enfin l’inutilité de leurs fallacieuses promesses : mais le simple rappel du précédent iranien de ces deux scènes prouve assez à quel point les idées dont elles s’inspirent étaient largement répandues dès une haute antiquité, tout comme elles le sont encore aujourd’hui. Quiconque voudra découvrir entre les deux passages que nous venons de citer plus qu’un parallélisme devra en tout cas se souvenir que la rédaction du Commentaire pâli est postérieure d’au moins trois siècles à celle des Évangiles.

Si d’ailleurs au lieu de s’arrêter à des analogies superficielles, on va jusqu’au fond des choses, on ne tarde pas à découvrir sous les trois versions, iranienne, indienne et judéo-chrétienne de la Tentation des dissentiments de principe. En fait, elles ne font que dramatiser, chacune à leur manière, l’universel problème de l’existence du mal en ce monde, du mal physique comme du mal moral ; et les solutions qu’elles lui supposent sont nettement divergentes. Le franc dualisme mazdéen de la grande partie d’échecs entre le Bien et le Mal est à peine mitigé par la croyance au triomphe final d’Ahoura-Mazda (Ormazd) sur Ahriman. De son côté le Satan biblique nous est bien donné comme le roi de ce monde et c’est là ce qui fait que le péché y règne avec lui et qu’en langage chrétien l’épithète de « mondain » garde une nuance péjorative ; mais (outre qu’il ne représente guère que le mal moral), son pouvoir, pour grand qu’il soit, n’est qu’une concession passagère et révocable du Créateur ; c’est en définitive à ce dernier que remonte et sur lui que retombe toute la responsabilité de l’humaine misère, et il faut pour sa décharge recourir au mythe du péché originel. Quant à Mâra, on pourrait penser qu’il est seul responsable du train du monde en bien comme en mal ; mais ce n’est là qu’une illusion. La grande roue qu’il semble, que peut-être même il croit mouvoir, l’entraîne comme tous les